projet littéraire des lycéens
Bilan Projet Prix littéraire des lycéens
Le projet du prix littéraire ne s’est pas tout à fait déroulé comme il avait été envisagé car nous avons rencontré des difficultés diverses:
- Les élèves de la classe de 2PGA se sont révélés particulièrement difficiles au niveau disciplinaire et la gestion de classe a été très vite perturbée par des mouvements de grève qui ont entrainé un absentéisme important à partir du mois de novembre et entrainé donc une prise de retard importante dans la lecture des ouvrages.
- Le bouquiniste de Pont de Beauvoisin que l’on devait rencontrer s’est révélé réticent lors de la prise de contact pour fixer une date de rencontre avec les élèves et j’ai finalement renoncé à cette rencontre.
- L’intervenante théâtre qui devait accompagner le projet a rencontré de graves difficultés de santé , m’a fait une autre proposition d’intervenant que je n’ai jamais reçue car envoyée à un numéro de téléphone perdu.
- Les livres commandés par la documentaliste ont tardé à arriver car il y avait apparemment une rupture de stock. Ils sont arrivés après les vacances de la toussaint peu de temps avant que la moitié des élèves ne disparaissent dans des mouvements lycéens ou soient exclus pour faits de violence.
Face à ces difficultés et surtout en présence d’élèves jugés difficiles par l’ensemble de l’équipe nous avons revu la plupart de nos objectifs et nous sommes adaptés à la situation qui ne correspondait pas à celle idéale envisagée lors de la rédaction du projet. Nous avons cherché à ne voir que les aspects positifs, à valoriser tout ce qui donnait du sens et permettait aux élèves de travailler dans une logique d’EAC.
Mise en place de la lecture : considérant que c’était notre objectif principal nous avons instauré un temps de lecture hebdomadaire de 2heures et constitué 2 groupes , un plus à l’aise allait lire au CDI avec l’aide de la documentaliste, un plus en difficulté lisait avec moi dans l’espace classe. Nous avons commencé par la lecture de Taqawan .Chaque élève à la fin de chaque chapitre devait soit rédiger un résumé en une ou 2 phrases, soit dessiner soit recopier une phrase qui lui plaisait particulièrement. Nous avons pris le temps d’avancer tranquillement dans la lecture, d’en discuter, d’apporter des connaissances. Nous avons relié ce roman au sujet d’histoire Exploration du monde au 18 ème siècle et étudié en particulier la colonisation de la Nouvelle France, fait des recherches sur les Micmacs, travaillé en parallèle sur un film vu dans le cadre du prix Jean Renoir, Sami une enfance lapone, discuté en philosophie sur l’identité culturelle. Nous avons ainsi pu faire travailler les élèves sur la réalisation de synthèses à partir de documents. Quand les élèves ont été « lancés » dans la lecture nous avons commencé à faire des répartitions des bandes dessinées et des autres romans. 2 autres romans ont été répartis et lus, le quatrième par contre n’a été lu que par quelques élèves qui ont eu beaucoup de difficultés.
Rencontre avec les auteurs :
Etape très importante qui a donné du sens au projet, qui a mobilisé les élèves dans la préparation de la rencontre permettant de travailler sur la notion de biographie, de réfléchir aux questions que l’on allait poser, à l’accueil (où, comment), sur la création , la vocation etc.
Ce furent de très belles rencontres importantes pour le projet.
Travail de création Nous avions envisagé une création théâtrale et avons changé de domaine artistique en cours d’année , nous avons décidé de réaliser un petit travail filmique autour de la rencontre des élèves avec Taqawan. Les élèves ont travaillé avec le réalisateur dans toutes les étapes de ce documentaire.
- Travail sur le documentaire , à partir de celui qui a inspiré Eric Plamondon Escarmouche à Restigouche
- Mise en place du scénario, de l’organisation du film
- Tournage en classe avec les élèves dans leur propre rôle d’élèves au travail sur Taqawan
- Ecriture collective d’une lettre écrite à Eric Plamondon
- Montage du film avec des insertions d’images ou de documents
Ce travail a abouti à la réalisation d’un film de 15’ qui montre les élèves qui travaillent et s’expriment sur Taqawan et lors de leur rencontre avec l’auteur.
Conclusion :
Le projet m’a semblé difficile à porter car les élèves ne sont pas à l’aise dans la lecture et l’on n’est jamais sûr qu’ils lisent « réellement ». De plus j’avais l’impression de devoir affronter sans arrêt de nouvelles difficultés. Cependant les élèves ont réagi de façon toujours très positive, les rencontres ont été bien préparées et se sont bien passées, le travail de création a développé un dynamisme inattendu. ce projet a permis de travailler un certain nombre de compétences et de capacités (recherches de documents, écriture de synthèse). J’ai basé l’ensemble du programme autour de ce projet pour faire lire, écrire, s’exprimer les élèves et après un début réticent par rapport à la façon originale de travailler les élèves ont finalement évolué, muri et leur comportement s’est amélioré dans mes cours. La lettre écrite collectivement en témoigne :
Monsieur Plamondon, je ne suis pas sûre de vouloir vous remercier...
Au début j'ai aimé le nom de votre livre : Taqawan , c'est peu commun, c'est un drôle de nom, ça fait rêver et j'ai imaginé une histoire pleine d'aventures.
Puis il a fallu se mettre à la lecture : 196 pages, autant dire un pavé, et de plus ce n'était pas une lecture facile ,il y avait des chapitres qui parlaient de choses très différentes ,il fallait être attentif et ne pas perdre le fil ce qui est difficile pour nous qui ne sommes pas des lecteurs aguerris.
Le nom d'Océane m'a fait bizarre car moi aussi je m'appelle Océane et j'ai 15 ans , mais elle et moi nous sommes différentes et la comparaison n'a pas été agréable car elle, elle est plus ouverte , plus curieuse et moi en fait je ne m'intéresse pas à grand-chose.
Comment dire ?
En fait Taqawan nous a obligés à sortir de notre tranquillité confortable d'élève passif.
Alors on fait la liste Monsieur Plamondon ?
On a appris la violence infligée aux peuples autochtones pendant la colonisation...
que les chasseurs et les pêcheurs chassent et pêchent gratuitement par pur plaisir sans respect pour les animaux ...
que des adultes violent des enfants et des jeunes filles...
que les Canadiens méprisent profondément les autochtones et leur imposent des règles absurdes contraires à leurs traditions...
que l'on ne doit pas accorder sa confiance aveuglément et que les apparences sont parfois trompeuses….
que la police censée protéger la population est capable des pires horreurs ...
Et puis, comme vous le savez, nous avons été obligés de chanter devant vous « Escarmouche à Restigouche » , et j'avais même la chanson qui tournait en boucle dans ma tête, nous avons dû apprendre la géographie et l'histoire du Québec et les traditions des Micmacs, on a dû apprendre et apprendre à cause .. enfin ...grâce à vous Monsieur Plamondon.
Finalement, Taqawan nous a appris beaucoup de choses et nous a fait grandir , il nous a fait prendre conscience de la cruauté des hommes mais aussi de la beauté de la nature, des capacités exceptionnelles du saumon et de la nécessité de se battre inlassablement contre les injustices et les inégalités.
Alors merci Monsieur Plamondon pour la fenêtre que vous avez ouverte dans notre classe et enfin, merci pour cette phrase que j'ai aimé chuchoter avec mes camarades:
« D'où vient cette nécessité, comme innée, depuis le fond des âges qui veut que l'espèce humaine se batte ou s’entre-tue au nom d'un lieu, d'une famille , d'une différence irréductible?
Pourquoi mourir pour tout ça ? »